La Galerie Nathalie Obadia est heureuse de présenter Démons, la troisième exposition personnelle d’Antoine Renard à la galerie. Originaire de Lourdes et de la ville nouvelle de Cergy Pontoise, l’artiste développe une œuvre protéiforme dans laquelle des éléments telluriques et numériques se conjuguent à des odeurs. La problématique de l’exorcisme dans nos sociétés est au cœur de ce nouveau corpus : celle-ci est traitée à travers le corps - sa représentation et sa réception intime et collective - et sa mémoire traumatique, alliant mythologies contemporaines, nouveaux médias et croyances populaires.
Le titre de l’exposition, Démons, se lie habilement aux effluves envoûtants et aux formes sensuelles des quinze nouvelles sculptures exposées. Ces dernières, en impression 3D céramique, suggèrent des silhouettes anthropomorphes évoquant des spectres ou des ruines. Celles-ci s’érigent dans l’espace au contact d’un parfum de plante psychotrope fictif, mêlé à une suite de sons et de chants rituels que l’artiste a glanés puis retravaillés au cours de ses voyages de recherches à Lourdes et en Amazonie Péruvienne ainsi que lors de sa résidence à la Villa Médicis à Rome.
Les éléments invisibles de l’exposition, telles que les vibrations sonores et les odeurs, insufflent une forme de magie agissant sur ces corps en pleine transformation. La question du corps en réparation est centrale, qu'il s'agisse de la reconstruction de ses ruines physiques ou psychiques. Cette caractéristique se retrouve dans la fabrication des œuvres d’Antoine Renard. Dans une approche ultra contemporaine de la sculpture, l’artiste travaille à partir de scans et de modélisations numériques glanés sur des plateformes de partages pour développeurs de jeux vidéo où s'entremêlent sculptures classiques, archives archéologiques et personnages de science fictions, et procède ensuite par impression 3D en faïence, grès ou en porcelaine.
Parmi ces propositions séduisantes s’immisce une des préoccupations majeures d’Antoine Renard : il s’agit de percevoir sous la peau des corps et des choses, franchir le seuil qui sépare l’épiderme des viscères permettant d’explorer les arcanes de la psyché. L’interprétation des oeuvres Spinario¹, un personnage à la silhouette courbée en train de se retirer une épine du pied, illustre cette réflexion. Au contact de sa blessure, l’adolescent cherche d’une part à se guérir, mais aussi à s’introspecter : la chair permet d’accéder à certains secrets dissimulés. Antoine Renard s’est intéressé à ces rituels de soin auprès des shamanes perfumeros, guérisseurs sud-américains que l’artiste a rencontrés au cours de ses pérégrinations en Amazonie. Ces derniers possèdent une connaissance approfondie des fragrances et de leur utilisation dans un contexte autant thérapeutique que mystique.
Les odeurs et les sons de l’exposition attestent de ces initiations. Le parfum est une reconstitution mémorielle de la fleur de Toe (Brugmansia suaveolens) - un arbuste utilisé dans les rituels pour soigner les os et générer des visions. Les ondes sonores mêlent un chant d’exorcisme de Signora Lourdes, une guérisseuse péruvienne, à des retranscriptions sonores de l’activité cérébrale de l’artiste lors de transes effectuées pendant ses voyages de recherche.
Par leurs formes et leurs aspérités, les sculptures oscillent entre figuration et abstraction. L’exposition met à la fois en scène le corps et l’architecture psychique de chaque personnage. La confrontation entre la matérialité solide des sculptures et les dimensions plus éthérées des sons et des odeurs symbolisent cet alliage, participant à l’atmosphère enivrante – voire envoutante – qui plane au-dessus de Démons.
¹Le Spinario, également appelé Tireur d'épine, est une sculpture antique renommée de l'art gréco-romain. Elle dépeint un jeune garçon concentré sur le retrait d'une épine de son pied.